Depuis l'apparition de la télévision, il y a un demi-siècle, l'image a tendance à se substituer à l'écrit, alors qu'elle n'en était , jusqu'alors, que l'illustration. Il s'en est suivi une modification psychologique dans le cerveau du spectateur que nous sommes, car l'image produit une impresion instantannée, source d'émotion, artistique dans le meilleur des cas -- c'est celui des tableaux du peintre -- tandis que l'écrit, qui peut être lu et relu à un rythme personnel, constitue une source de réflexion, enrichissante dans le meilleur des cas. L'image s'adresse au coeur, siège de l'émotion, l'écrit s'dresse à l'esprit, siège de l'intellect.
Le choc de l'image provoque un stimulus instantanné qui peut avoir un effet sur le comportement en by-passant la réflexion. C'est ce que recherche le marketing qui s'adresse à l'émotionnel et non à l'intelligence du consommateur. L'écrit cherche à persuader en faisant appel à la réflexion intellectuelle. Mais il peut ausi fausser le jugement du lecteur lorsqu'il ne présente qu'une partie de l'ensemble d'un problème en faisant croire qu'il le traite dans son intégralité. C'est le cas typique du discours politique qui s'apparente à ce qu'on appelle, en morale, le mensonge par omission.
Ces deux outils de base de la communication -- image et écrit -- ont subi de nombreuses extensions, avec notamment les progrès de la technologie. La parole apporte déjà une dimension supplémentaire à l'écrit et l'art oratoire lui donne un relief qui lui procure une force de pénétration supplémentaire. La photo généralise l'image qui se transmet et se multiplie à l'infini grâce à Internet, tandis qu'image et parole fusionnent dans le théatre, spectacle vivant qui cherche une communication directe avec le spectateur, et dans le cinéma qui en achève la parfoite synthèse. Mais le théatre, par souci de rupture avec sa forme traditionnelle, cherche à utiliser toutes les possibilités nouvelles, faisant appel aux effets spéciaux et aux techniques du music-hall, ce qui tend à noyer son message initial; tandis que le cinéma, qui nécessite une mobilisation financière importante, dépend des puissances d'argent qui privilégient souvent la rentabilité et,par ailleurs, utilisent parfois des techniques insidieuses comme celles des images sub-liminales ou provoquantes.
En fait l'image constitue l'aliment de la réflexion: elle n'en n'est pas le fondement: et c'est peut-être cela que nous sommes en train d'oublier.